• Lire des vers, pour moi ce n’est pas seulement comme si je parlais de mes sentiments, mais comme si, ce faisant, je me tenais en équilibre sur un pied ; quelque chose de compassé, dans le principe même du rythme et de la rime, m’embarrasserait si je devais m’y abandonner autrement qu’étant seul. (loc. 1197-1199)
  • Ah non, je ne trouvais pas en moi la moindre garantie que je sois meilleur que les autres ; seulement qu’est-ce que ça change dans mes rapports avec autrui ? La conscience de ma propre misère ne me réconcilie nullement avec la misère de mes pareils. Rien ne me répugne comme lorsque les gens fraternisent parce que chacun voit dans l’autre sa propre bassesse. Je n’ai que faire de cette fraternité visqueuse. (loc. 1243-1246)
  • La jeunesse est horrible : c’est une scène où, sur les hauts cothurnes et dans les costumes les plus variés, des enfants s’agitent et profèrent des formules apprises qu’ils comprennent à moitié, mais auxquelles ils tiennent fanatiquement. (loc. 1428-1430)
  • Nos chansons populaires les plus anciennes appartiennent donc à la même époque de la pensée musicale que celles que l’on chantait dans l’ancienne Grèce. Elles nous conservent les temps de l’Antiquité. (loc. 2171-2172)
  • Je suis incapable de tenir tête aux plus faibles. Et puisque je fais un mètre quatre-vingt-dix et soulève d’une main un sac de cent kilos, il ne m’est jamais arrivé de rencontrer quelqu’un à qui j’aie pu tenir tête. (loc. 2460-2462)
  • Malgré tout mon scepticisme, il m’est resté un peu de superstition irrationnelle, telle cette curieuse conviction que tout événement qui m’advient comporte en plus un sens, qu’il signifie quelque chose ; que par sa propre histoire la vie nous parle, nous révèle graduellement un secret, qu’elle s’offre comme un rébus à déchiffrer, que les histoires que nous vivons forment en même temps une mythologie de notre vie et que cette mythologie détient la clé de la vérité et du mystère. Est-ce une illusion ? C’est possible, c’est même vraisemblable, mais je ne peux réprimer ce besoin de continuellement déchiffrer ma propre vie. (loc. 2606-2610)
  • C’est que les journaux peuvent, à mon sens, se prévaloir d’une circonstance atténuante, et de taille : ils ne sont pas bruyants. Leur futilité demeure silencieuse ; ils ne s’imposent pas ; il est possible de les mettre à la poubelle. Également futile, la radio ne jouit pas de cette circonstance atténuante ; elle nous poursuit au café, au restaurant, voire durant nos visites chez des gens devenus incapables de vivre sans la nourriture ininterrompue des oreilles. (loc. 2811-2815)
  • Ils étaient là une centaine, soit un nombre susceptible de représenter une sorte de micro-modèle d’humanité. Vous n’avez jamais pardonné au genre humain. Depuis lors, vous lui avez retiré votre confiance et lui prodiguez votre haine. Même si je puis vous comprendre, cela ne change rien au fait qu’une pareille haine vouée aux hommes est terrifiante et pécheresse. Elle est devenue votre malédiction. Car vivre dans un monde où nul n’est pardonné, où la rédemption est refusée, c’est comme vivre en enfer. Vous vivez en enfer, Ludvik, et vous me faites pitié. (loc. 3648-3652)
  • Les poivrots sont les plus fidèles défenseurs des programmes folkloriques. Leurs ultimes défenseurs. Une fois de temps en temps, ça leur fait une raison distinguée de boire un coup. (loc. 4092-4093)
  • La soumission à une mentalité de génération (à cet orgueil du troupeau) me répugnait toujours. (loc. 4201-4202)
  • Je sentis avec épouvante que les choses conçues par erreur sont aussi réelles que les choses conçues par raison et nécessité. (loc. 4385-4386)