• Il se sent responsable de son destin, mais son destin ne se sent pas responsable de lui. (loc. 165-165)
  • Il y a deux rires et nous n'avons pas de mot pour les distinguer. (loc. 1050-1050)
  • Elle veut avoir ses carnets pour que la fragile charpente des événements, telle qu'elle l'a construite dans son cahier, puisse recevoir des murs et devenir la maison qu'elle pourra habiter. Parce que, si l'édifice chancelant des souvenirs s'affaisse comme une tente maladroitement dressée, il ne va rien rester de Tamina que le présent, ce point invisible, ce néant qui avance lentement vers la mort. (loc. 1462-1465)
  • Nous écrivons des livres parce que nos enfants se désintéressent de nous. Nous nous adressons au monde anonyme parce que notre femme se bouche les oreilles quand nous lui parlons. (loc. 1555-1556)
  • Car chacun souffre à l'idée de disparaître, non entendu et non aperçu, dans un univers indifférent, et de ce fait il veut, pendant qu'il est encore temps, se changer lui-même en son propre univers de mots. (loc. 1831-1833)
  • Quand un jour (et cela sera bientôt) tout homme s'éveillera écrivain, le temps sera venu de la surdité et de l'incompréhension universelles. (loc. 1833-1834)
  • La litost est un état tourmentant né du spectacle de notre propre misère soudainement découverte. (loc. 2057-2059)
  • L'étudiant ignorait pourquoi Lermontov avait prononcé le mot fins comme s'il était écrit en italique, mais moi, qui fais partie des initiés, je sais que Lermontov avait lu jadis la pensée de Pascal sur l'esprit de finesse et l'esprit de géométrie et répartissait dès lors le genre humain en deux catégories : ceux qui sont fins, et les autres. (loc. 2346-2348)
  • Pour liquider les peuples, disait Hùbl, on commence par leur enlever la mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Et quelqu'un d'autre leur écrit d'autres livres, leur donne une autre culture et leur invente une autre Histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu'il est et ce qu'il était. Le monde autour de lui l'oublie encore plus vite. (loc. 2729-2732)
  • Seul son mari lui posait sans arrêt des questions, parce que l'amour est une interrogation continuelle. Oui, je ne connais pas de meilleure définition de l'amour. (loc. 2796-2797)
  • L'homme sait qu'il ne peut embrasser l'univers avec ses soleils et ses étoiles. Bien plus insupportable est pour lui d'être condamné à manquer l'autre infini, cet infini tout proche et à sa portée. Tamina a manqué l'infini de son amour, moi j'ai manqué papa et chacun manque son œuvre parce qu'à la poursuite de la perfection on va à l'intérieur de la chose, et là on ne peut jamais aller jusqu'au bout. Que l'infini du monde extérieur nous ait échappé, nous l'acceptons comme une condition naturelle. Mais d'avoir manqué l'autre infini, nous nous le reprocherons jusqu'à la mort. Nous pensions à l'infini des étoiles, mais l'infini que le papa portait en lui, nous ne nous en souciions pas. (loc. 2836-2841)
  • Car les enfants sont aussi sans passé et c'est tout le mystère de l'innocence magique de leur sourire. (loc. 3228-3229)
  • La meilleure des idées progressistes est celle qui renferme une assez forte dose de provocation pour que son partisan puisse se sentir fier d'être original, mais qui attire en même temps un si grand nombre d'émules que le risque de n'être qu'une exception solitaire est immédiatement conjuré par les bruyantes approbations de la multitude victorieuse. (loc. 3414-3417)
  • Chacun interprétait à sa façon les paroles de l'autre et il y avait entre eux une merveilleuse harmonie. Une merveilleuse solidarité fondée sur l'incompréhension. (loc. 3914-3916)