- La plupart des mortels, Paulinus, se plaignent de l'injuste rigueur de la nature, de ce que nous naissons pour une vie si courte, de ce que la mesure de temps qui nous est donnée fuit avec tant de vitesse, tarit de rapidité, qu'à l'exception d'un très-petit nombre, la vie délaisse le reste des hommes, au moment où ils s'apprêtaient à vivre. (loc. 6-9)
- Nous n'avons pas trop peu de temps, mais nous en perdons beaucoup. La vie est assez longue; elle suffirait, et au-delà, à l'accomplissement des plus grandes entreprises, si tous les moments en étaient bien employés. (loc. 14-16)
- Ainsi notre vie a beaucoup d'étendue pour qui sait en disposer sagement. (loc. 21-21)
- Nous ne vivons que la moindre partie du temps de notre vie; car tout le reste de sa durée n'est point de la vie, mais du temps. (loc. 34-35)
- Mortels, vous vivez comme si vous deviez toujours vivre. (loc. 71-71)
- Il ne vous souvient jamais de la fragilité de votre existence; vous ne remarquez pas combien de temps a déjà passé; et vous le perdez comme s'il coulait d'une source intarissable, tandis que ce jour, que vous donnez à un tiers ou à quelque affaire, est peut-être le dernier de vos jours. (loc. 72-74)
- N'est-il pas trop tard de commencer à vivre lorsqu'il faut sortir de la vie? Quel fol oubli de notre condition mortelle, que de remettre à cinquante ou soixante ans les sages entreprise, et de vouloir commencer la vie à une époque où peu de personnes peuvent parvenir! (loc. 78-79)
- Enfin tout le monde convient qu'un homme trop occupé ne peut rien faire de bien: il ne peut cultiver ni l'éloquence ni les arts libéraux; un esprit tiraillé, distrait n'approfondit rien. (loc. 152-153)
- Mais l'art de vivre, il faut toute la vie pour l'apprendre; et ce qui vous surprendra peut-être davantage, toute la vie il faut apprendre à mourir. (loc. 155-156)
- Ce n'est donc pas à ses rides et à ses cheveux blancs, qu'il faut croire qu'un homme a longtemps vécu: il n'a pas longtemps vécu, il est longtemps resté sur la terre. (loc. 182-183)
- Ce qui les trompe, c'est que le temps est une chose incorporelle, et qui ne frappe point les yeux: voilà pourquoi on l'estime à si bas prix, bien plus comme n'étant presque de nulle valeur. (loc. 191-192)
- Ce qui nous empêche le plus de vivre, c'est l'attente qui se fie au lendemain. (loc. 215-215)
- Tout ce qui est dans l'avenir est incertain: vivez dès à cette heure. (loc. 217-217)
- La vie se divise en trois temps: le présent, le passé et l'avenir. Le présent est court, l'avenir incertain; le passé seul est assuré: car sur lui la fortune a perdu ses droits; et il n'est au pouvoir de personne d'en disposer de nouveau. (loc. 241-242)
- Quelque courte qu'elle soit, elle est plus que suffisante; et aussi, lorsque le dernier jour arrivera, le sage n'hésitera pas à marcher vers la mort d'un pas assuré. (loc. 274-275)
- Ces gens-là ne sont pas oisifs, mais inutilement occupés. (loc. 300-300)
- Ceux-là seuls jouissent du repos, qui se consacrent à l'étude de la sagesse. Seuls ils vivent; car non seulement ils mettent à profit leur existence, mais ils y ajoutent celle de toutes les générations. Toutes les années qui ont précédé leur naissance leur sont acquises. (loc. 370-371)
- Nul d'entre eux ne vous forcera de mourir, tous vous apprendront à quitter la vie; aucun ne vous fera perdre vos années, chacun y ajoutera les siennes. (loc. 396-397)
- On dit souvent qu'il n'a pas été en notre pouvoir de choisir nos parents; que le sort nous les a donnés. Il est pourtant une naissance qui dépend de nous. Il existe plusieurs familles d'illustres génies; choisissez celle où vous désirez être admis, vous y serez adopté, non seulement pour en prendre le nom, mais les biens, et vous ne serez point tenu de les conserver en homme avare et sordide; ils s'augmenteront au fur et à mesure que vous en ferez part à plus de monde. (loc. 403-406)
- Le temps ruine tout, et renverse en un moment ce qu'il a consacré. Mais la sagesse est au-dessus de ses atteintes. Aucun siècle ne pourra ni la détruire, ni l'altérer. (loc. 409-410)
- La vie du sage est donc très étendue; elle n'est pas renfermée dans les bornes assignées au reste des mortels. Seul il est affranchi des lois du genre humain: tous les siècles lui sont soumis comme à Dieu: le temps passé, il en reste maître par le souvenir; le présent, il en use; l'avenir, il en jouit d'avance. Il se compose une longue vie par la réunion de tous les temps en un seul. (loc. 412-415)
- Mais que dis-je? leurs joies mêmes sont inquiètes; car elles ne reposent pas sur des fondements solides: la même vanité qui les fait naître, les trouble. (loc. 446-447)
- Tout ce que donne le hasard est peu stable; et plus il vous élève, plus haut il vous suspend au bord du précipice. Or, personne ne doit se complaire à des biens si fragiles. Elle est donc non seulement très courte, mais aussi très malheureuse la vie de ceux qui se procurent avec de grands efforts ce qu'ils ne peuvent conserver qu'avec des efforts plus grands encore. (loc. 451-454)
- Ils acquièrent avec peine ce qu'ils désirent, et possèdent avec inquiétude ce qu'ils ont acquis. (loc. 454-455)
- Vous trouverez, dans ce genre de vie, l'enthousiasme des sciences utiles, l'amour et la pratique de la vertu, l'oubli des passions, l'art de vivre et de mourir, un calme inaltérable. (loc. 508-509)
- La plupart des hommes ont le même désir; la manie du travail survit en eux au pouvoir de travailler; ils luttent contre la faiblesse du corps, et la vieillesse ne leur parait fâcheuse, que parce qu'elle les éloigne des affaires. (loc. 530-532)